En 2018 nous avons proposé à des enfants d’une classe de 6 ème du collège Henri Barbusse d’Alfortville de poser par écrit la question du double de soi. C’est-à-dire, du dialogue avec l’autre plus vieux, plus vieille, plus jeune, à l’intérieur de nous. Ainsi sont arrivés pendant deux ans des fragments de récits, des poèmes, aphorismes et bribes dialoguées, élaborés individuellement ou en séances collectives. Déjà beaucoup de profondeur et d’humour dans ces premiers textes courts.
La Covid est arrivée. Les récits sont devenus plus personnels et plus nombreux : 300 textes de quelques mots à quelques lignes…
Ça donnait envie d’en faire une dramatique pour la radio, ou mieux, de voir ces jeunes auteur.e.s en chair voix et os, en train de réaliser cette émission; ou mieux encore qu’ils aient à leurs cotés leurs doubles adultes s’emparant de certains de leurs textes et mélangeant leur voix+hardies à celles +délicates des enfants; et de jouer avec la fragilité des adultes et l’assurance des enfants.
Ça donnait envie de chercher quels sons pouvaient précéder, accompagner prolonger les mots. De voir si certains mots pouvaient redevenir sons, rires, sanglots. D’où cet opéra parlé-chanté, dans lequel enfants et adultes pinçant, frottant les cordes de cordiers monumentaux seront les interprètes de cette partition contemporaine. Oeuvre pour 12 individus dans un espace clos et sonore se maintenant en vie grâce à leur souffle commun.
Car dans l’apparent désordre de ces écrits fragmentaires mis bout à bout s’impose une préoccupation lancinante qui fait l’unité de ce livret partagé entre adultes et adolescents: l’urgence de dire avec insolence, et sensualité les mondes révés ou redoutés qui nous traversent par-delà les générations.
jpdelore